Depuis quelques semaines, le monde du football ne tarit pas d’éloges à l’égard de Luis Henrique, entraîneur du Paris Saint-Germain. Vainqueur du championnat, de la Coupe de France et surtout de la Ligue des Champions, il incarne aujourd’hui une forme de leadership qui interroge autant qu’il fascine. Une posture managériale et mentale à contre-courant, souvent incomprise en début de saison, mais qui révèle aujourd’hui toute sa puissance.
Alors que beaucoup ont douté de sa méthode après le départ de Kylian Mbappé vers le Real Madrid, le coach espagnol a su maintenir le cap avec une vision profondément alignée à ses valeurs : mettre le collectif au centre, créer une cohésion où chaque membre de l’équipe a un rôle égal et fondamental à jouer.
Dans cet article, en tant que préparateur mental, je souhaite apporter un éclairage professionnel sur ce que cette posture raconte — non seulement du management sportif — mais aussi de la manière dont on peut transformer la pression en performance, sans attendre de vivre un drame personnel pour enfin jouer « libre ».
Une vision managériale alignée, malgré les critiques
En janvier dernier, beaucoup se sont offusqués lorsque Luis Henrique affirmait que le PSG pouvait être encore plus fort sans Mbappé. Aux yeux du grand public, cela frôlait l’insulte : comment peut-on envisager de gagner sans celui qui allait probablement devenir Ballon d’Or ? Et pourtant, derrière cette déclaration se cachait un positionnement fort, lucide, et cohérent. Car Enrique n’a jamais nié l’importance de l’objectif. Il a seulement redéfini ce que signifie en avoir un.
Pour 98 % des gens, un objectif est un résultat à atteindre. Une pression, une obligation. « Gagner la Ligue des Champions » devient alors une injonction. Pour les 2 % restants, ceux qu’on appelle les très grands champions, l’objectif n’est pas une fin mais un moteur : c’est ce qui alimente la motivation chaque jour, sans qu’il y ait une dépendance au résultat.
Luis Henrique cherche bien entendu gagner, mais surtout à jouer pour gagner en restant fidèle à lui-même, à ses valeurs, à son projet de jeu. C’est cette cohérence entre ce qu’il pense, ce qu’il dit et ce qu’il fait, qui a permis au PSG de réussir collectivement cette saison exceptionnelle.
Gérer la pression en acceptant l’échec comme une possibilité
L’une des plus grandes difficultés que nous rencontrons en tant que préparateurs mentaux, c’est cette peur de « passer à côté ». Beaucoup d’athlètes vivent leur sport comme une menace : la pression de ne pas échouer les empêche de performer.
Luis Henrique, lui, emprunte une autre voie. Pour lui, accepter que la défaite soit une possibilité libère le joueur. Ce n’est pas un renoncement, c’est une forme de lucidité.
L’enjeu n’est plus vécu comme une menace, mais comme une opportunité.
Quand un sportif s’autorise à échouer, il se met dans les meilleures conditions pour gagner. Il ne joue plus avec le frein à main, il joue aligné avec son ADN, avec sa liberté intérieure, avec plaisir. Ce lâcher-prise face à l’enjeu, cette capacité à ne pas s’identifier à un résultat, est un pilier fondamental de la performance mentale. C’est aussi ce qui a permis au PSG version Henrique de jouer avec une fluidité, une confiance et un esprit collectif qui ont fait la différence dans les moments décisifs.
Prise de recul ≠ indifférence
Il est crucial de ne pas confondre la prise de recul avec un désengagement. On entend parfois que Luis Henrique est “détaché”, comme s’il s’agissait d’un manque d’implication ou d’émotion. C’est totalement faux. Il est extrêmement motivé, ambitieux, exigeant. Mais il a simplement compris que le résultat ne définit pas la valeur d’un individu, ni la réussite d’un projet.
Ce recul, il ne vient pas du hasard, ni d’un trait de caractère miraculeux. Il est souvent la conséquence d’une expérience de vie, comme cela a été le cas pour lui avec le décès tragique de sa fille Xana en 2019. Mais ce recul peut aussi être le fruit d’un travail mental structuré, comme c’est le cas pour de nombreux athlètes qui n’ont pas nécessairement traversé de drame.
Prenons ici un exemple récent et inspirant : Loïs Boisson, demi-finaliste surprise à Roland-Garros 2025. Beaucoup ont salué son relâchement, sa capacité à jouer son meilleur tennis face à des adversaires mieux classées, dans un contexte de très haute pression. Certains observateurs ont évoqué sa blessure passée comme un élément déclencheur de son détachement. C’est vrai, en partie.
Mais ce serait réducteur et inexact de penser que cette blessure est l’unique origine de son relâchement mental.
Car derrière cette apparente « légèreté », il y a eu un travail conséquent de préparation mentale, notamment avec Pier Gauthier, son coach mental avant sa blessure, qui a su mettre en place durant plusieurs mois, des piliers de la gestion du stress, de l’acceptation de l’échec, et de la valorisation de l’instant présent.
En tant que préparateur mental, je tiens à souligner que ce type de relâchement ne dépend pas uniquement d’un accident de parcours. Ce sont des compétences qui se travaillent, se développent et se renforcent. Oui, la blessure peut servir de déclencheur, de prise de conscience. Mais ce qui permet de maintenir cette posture dans la durée, c’est l’entraînement mental, la clarté sur ses objectifs, la conscience de ce qui est essentiel… et ce qui ne l’est pas.
Vers une liberté mentale sans attendre la contrainte
Loïs Boisson est aujourd’hui un modèle pour nombre d’athlètes en devenir. Non pas parce qu’elle a été blessée. Mais parce qu’elle a su transformer avec l’aide d’une psychologue, cette période difficile en opportunité mentale, et qu’elle a bâti une forme de liberté intérieure qui nourrit aujourd’hui sa performance.
Et c’est exactement le même message que l’on peut retrouver dans le parcours de Luis Henrique. Ces figures inspirantes nous montrent qu’il est possible de performer sans avoir à subir un drame pour relativiser.
Notre travail en préparation mentale consiste justement à amener les sportifs à vivre cette libération sans passer par la douleur. On n’a pas besoin d’un traumatisme pour changer de regard sur son sport. On a besoin de conscience, d’outils, de régularité, et d’un accompagnement adapté.
Et si on n’attendait plus un drame pour évoluer ?
Ce que Luis Henrique incarne cette saison, c’est une forme de leadership éclairé, aligné, humain. Il est la preuve vivante qu’on peut gagner en cultivant le détachement, la cohérence et la sérénité.
Mais pourquoi faudrait-il attendre un drame personnel pour accéder à cette sagesse ? Pourquoi ne pas apprendre, dès aujourd’hui, à faire de nos objectifs des moteurs, et non des chaînes ?
Chez www.coachingmental.fr , c’est précisément notre mission : accompagner les sportifs à atteindre leur plus haut niveau, non pas par obligation, mais par envie. Non pas dans l’angoisse de l’échec, mais dans la liberté de vivre pleinement leur aventure.
Car aucune personne n’est « obligée » de réussir.
Mais chacun peut choisir de jouer pour le plaisir, dans l’alignement, et dans la confiance.
C’est cela, la véritable performance durable.