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Le rugby et la préparation mentale

Cedrick Sebire
février 11, 2025
Lecture de 3 minutes

Le rugby, sport d’engagement et de dépassement, évoque naturellement des images de gladiateurs modernes. Ces athlètes, imposants et courageux, sont perçus comme invincibles, prêts à affronter toutes les batailles. Pourtant, derrière cette apparence de solidité se cachent des réalités bien plus nuancées, où la fragilité mentale joue un rôle clé. Si la préparation mentale est un levier de performance essentiel, elle reste encore timidement exploitée dans le rugby professionnel français.

Le rugbyman : un gladiateur sans faille

Dans l’imaginaire collectif, le rugbyman est souvent comparé à un gladiateur. Cette analogie trouve son fondement dans la nature même du sport : les chocs violents, les mêlées et le combat pour chaque centimètre sur le terrain rappellent les luttes de l’arène.

Lors de la Coupe du monde 2023, les médias ont abondamment souligné le courage des joueurs français face aux équipes redoutables comme l’Afrique du Sud. Les récits mettaient en avant leur résistance physique et leur bravoure, construisant cette perception d’invincibilité. Le capitaine Charles Ollivon, par exemple, a souvent été décrit comme un “leader guerrier”, incarnant à la fois force et stoïcisme.

Antoine Dupont, désigné meilleur joueur du monde en 2021, incarne à la perfection cette image. Ses prestations spectaculaires, sa capacité à porter son équipe et son aisance à gérer la pression le placent parmi les “gladiateurs” modernes. Lors de la Coupe du monde 2023, les médias n’ont pas arrêté de vanter son courage face aux géants sud-africains, faisant de lui une icône d’endurance et de leadership.

Pourtant, cette vision romantisée, si elle magnifie les exploits, masque la complexité de l’état mental des joueurs. Car derrière l’armure du gladiateur se trouve un homme avec ses doutes, ses craintes et ses vulnérabilités.

Une réalité mentale souvent occultée

Si les rugbymen sont perçus comme des guerriers invincibles, leurs témoignages révèlent une réalité plus complexe, où le mental est soumis à des pressions constantes. Derrière les chocs spectaculaires et les victoires héroïques se cachent un quotidien parfois éprouvant sur le plan psychologique.

Guilhem Guirado, ancien capitaine du XV de France, a décrit dans L’Équipe”Chaque erreur devenait une obsession. J’étais submergé par la peur de décevoir l’équipe, les supporters, tout le monde.”

Les blessures, omniprésentes dans un sport aussi physique, exacerbent également ces fragilités. Wesley Fofana, régulièrement freiné par des problèmes physiques, a expliqué : “Ce n’est pas seulement le corps qui souffre, c’est aussi la tête. Chaque retour de blessure est accompagné d’une peur sourde : celle de rechuter, celle de ne plus être au niveau.”

Des décisions marquantes, comme la retraite internationale prématurée de Sébastien Vahaamahina, témoignent également de l’impact du rugby sur la santé mentale. Ce dernier a confié que l’épuisement psychologique pesait lourdement sur sa carrière : “On parle beaucoup du physique dans notre sport, mais on oublie à quel point la tête joue un rôle crucial.”

Les critiques publiques et médiatiques amplifient encore ces difficultés. Lors des phases délicates de leur carrière, les joueurs subissent une pression intense. Ces témoignages illustrent que la préparation mentale est une nécessité, et non un luxe. Pourtant, elle reste trop souvent absente des priorités des clubs.

Le mental, un pilier encore négligé de la performance

Malgré l’évidence de son importance, la préparation mentale est encore largement négligée dans les clubs de rugby français. Les équipes de Top 14 et de Pro D2 allouent des budgets significatifs à la préparation physique, technique et tactique, mais le mental reste un angle mort.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. En 2023, le budget moyen d’un club de Top 14 atteignait 30 millions d’euros, avec des équipes comme le Stade Toulousain et le Racing 92 en tête. Ces montants permettent de recruter des analystes vidéo, des diététiciens ou des préparateurs physiques de renom. Pourtant, moins de 30 % des clubs emploient un préparateur mental à temps plein, selon une enquête de Rugby World .

En Angleterre, Eddie Jones, ancien entraîneur du XV de la Rose, a souvent fait appel à des experts en psychologie du sport pour renforcer la résilience de ses joueurs. Ces initiatives ont contribué à faire de l’équipe anglaise un modèle de constance et de compétitivité. En France, en revanche, la préparation mentale reste souvent considérée comme optionnelle, voire superflue.

Pourtant, les joueurs eux-mêmes expriment un besoin croissant de soutien dans ce domaine. Camille Lopez, demi d’ouverture, a récemment déclaré à Midi Olympique:“On s’investit énormément dans le physique et la technique, mais le mental est souvent la clé dans les moments décisifs. Quand la tête ne suit pas, le reste s’effondre.”

Ce retard s’explique en partie par des barrières culturelles. Dans l’univers du rugby, évoquez ses fragilités mentales reste tabou. Beaucoup craignent d’être perçus comme faibles, dans un sport où la virilité et les duretés sont valorisées. Cependant, les mentalités évoluent. Les témoignages courageux de joueurs et les résultats obtenus dans d’autres disciplines poussent les clubs français à considérer la préparation mentale comme un levier de performance.

Le rugby à l’image du sport français

En France, la route semble encore longue et le rugby n’est pas le mauvais élève de la classe, des initiatives voient le jour notamment dans le quinze de France sous l’ère Galthier, mais il est vrai que la dimension mentale a du mal à s’installer dans la vision sportive française notamment dans les sports collectifs, alors que l’on constate depuis plusieurs années l’émergence de la préparation mentale dans les sports individuels en tennis, judo, golf, natation, poker où la préparation mentale devient de plus en plus intégrée et en voie de normalisation. Les mentalités évoluent lentement, freinées par une culture où le mental est souvent perçu comme une faiblesse. Pourtant, intégrer la préparation mentale dans le quotidien des joueurs pourrait non seulement améliorer leurs performances, mais aussi leur bien-être général. Le rugby, avec son intensité unique et son exigence physique, met les corps et les esprits à rude épreuve. Si les joueurs sont perçus comme des gladiateurs modernes, leurs témoignages dévoilent une réalité mentale plus complexe, souvent marquée par la pression, les doutes et les blessures.

La préparation mentale, pourtant cruciale pour affronter ces défis, reste un domaine sous-développé en Top 14 et en Pro D2, malgré des budgets croissants. Pour que le rugby français continue à progresser, il est essentiel d’intégrer pleinement cette discipline dans les programmes des clubs. Non seulement pour améliorer les performances, mais aussi pour préserver les joueurs.

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